LE VILLAGE NEGRE / 2023

Installation d’un ensemble des tuiles en terre cuite avec la technique du Raku, céramique couleur noire.
Réalisation en collaboration avec l’Atelier Lu7 à Thaon-les-Vosges et l’Atelier Faires à Arnold.

« Le village nègre est une évocation à un quartier de Thaon-les-Vosges à partir de la mémoire sociale des lieux, cité ouvrière des années 40’ et du début de XXème siècle lors de l’époque de l’industrie et le développement des usines du textile dans la région. Cette œuvre représente la classe ouvrière composée des migrants provenant de l’Afrique, de l’Est et principalement de l’Asie. De 1945 à 1952, plusieurs centaines d’ouvriers vietnamiens et indochinois avec le statut particulier d’« indigène », ont été envoyés par le gouvernement français pour répondre à la demande de main-d’œuvre des multiples entreprises de Lorraine, entre elles l’usine de la Blanchisserie et Teinturerie de Thaon (BTT). Elle devient la plus grande usine de blanchiment et de teinturerie d’Europe.

Il existe la légende que ce quartier acquière le nom « village nègre » car des indochinois habitant sur le quartier, couvraient leur façades de goudron. Lors d’une visite au Musée de la Terre à Rambervillers, village voisin de Thaon-les-Vosges, qui accueillait de nombreuses usines également à l’époque industrielle, notamment la fabrication de papier et le travail de la terre, (tuileries, tuyauteries, ainsi que la création des objets et des œuvres d’art en céramique, en collaboration avec les artistes de l’école de Nancy et les ateliers de Grès Flammé) j’ai découvert une autre légende. Selon l’histoire, les premières tuiles confectionnées étaient moulées à partir des cuisses des femmes.

J’ai voulu donc créer une œuvre qui pouvait parler de la classe ouvrière des deux lieux, créer un pont entre ces deux territoires voisins, tout en évoquant leur histoire et leur mémoire par le récit. Ici, chaque élément était réalisé et moulé à partir des cuisses des habitants participant à la conception de l’œuvre : ouvriers, immigrés et anciens travailleurs des usines dans la région. Chaque tuile est noire et a sur sa surface des mots, des récits, des phrases provenant de la rencontre avec les participants. Nous avons réalisé d’ateliers d’écriture autour de l’exil et des mémoires individuelle et collective.

Par la manière dont elle est installée, elle évoquera un quartier, l’habitat, la cité, mais aussi par la répétition de l’objet, elle évoquera la production et l’arrivée de la main-d’œuvre indigène en masse, propre du développement des usines et de l’industrie.

Le village nègre est une œuvre qui illustre la mémoire sociale, ici, trace de la condition de la classe ouvrière et de l’exil. Les cuisses sont les membres du corps qui servent à avancer, à tracer un chemin, un voyage, une destinée. »